lundi 16 décembre 2013

Les transformations de la vendange de la Vigne de la Haumuche : la descente au chai.

Pour valoriser la vendange en produits variés, il faut disposer d'un local adapté. Depuis des temps immémoriaux (En fait je n'ai pas cherché depuis quand la famille possédait ce bâtiment.), la vendange et les vaisseaux* sont descendus au bas-bourg de Bonneuil dans ce que nous appelons aujourd'hui le chai.

Le chai  : Il est installé dans une très vieille bâtisse datant du moyen âge au moins, située dans le bas bourg du village, tout près de l'église, à l'angle de la Place de l’Église et de la rue du Château. 2 corps de bâtiment en pierre, avec étage et grenier, séparés par un mûr épais en constituent la structure. La partie qui est enclavée dans les constructions voisines ne possède pas de façade sur la rue. Elle est accessible uniquement par une vieille porte, elle est désaffectée depuis bien longtemps. La partie ouest, possède 2 étages. Elle a subi de très nombreuses transformations visibles dans les murs. Le rez-de-chaussée a servi d'auberge autrefois. On dit aussi qu'il a hébergé la Mairie du village, juste après la révolution, mais c'est faux. Ladite Mairie était située, à côté du presbytère, à gauche du porche, au-dessus d'une vieille cave dans laquelle on entre par un bel escalier de pierre. En empruntant cet escalier, on y découvre alors, en son centre, une magnifique colonne de pierre, vestige de l'ancien monastère (?), qui a donné son nom au village. Ce couvent aurait été détruit par un incendie dans les années 1510. On en trouve encore des traces dans les pierres roussies de certains murs du quartier et les actes paroissiaux auraient été brûlés alors. On ne peut remonter notre généalogie plus loin dans le temps. J'ai connu ce bâtiment qui servait de silo à blé pour la ferme de mes cousins Bodin. La grange a été rachetée par mon cousin Jean Penot en 2001(au moment des élections municipales !). Il en a fait un confortable studio.
Revenons au chai. Il a donc hébergé une auberge, mais pas la Mairie, et, avant la guerre 39-45, à l'étage, vivait la dernière chaisière* de la paroisse :  Mme Pirronnet. Sa petite fille qui est passée récemment dans le bas-bourg, m'a confirmé la chose. Les membres de la famille Colin en ont été les derniers locataires, jusque dans les années 1960. Jean-Michel Colin y serait né, "un accouchement difficile" m'a raconté mon grand-père. La mère, Étiennette était plutôt bien enveloppée et le bébé plutôt lourd. Tout le voisinage a pu suivre l'évènement.

On entre dans le chai, en contrebas de la place de l'église de 2 bonnes marches, par une très ancienne porte qui n'a plus d'âge. Une porte en bois, avec des charnières qui grincent, une serrure hors d'âge et un loquet comme il n'en existe pratiquement plus. Les planches de chêne sont encore liées ente-elles par des chevilles de bois. On y tient beaucoup à cette porte. J'ai dû me résigner à rajouter un verrou moderne mais discret, suite à 2 cambriolages récents. Plusieurs jolis petits barriquauts (baricauts) pleins de vin ou de vermouth nous ont été dérobés à ces occasions. C'est comme ça. Cette entrée est située sous un escalier extérieur en ciment, fort délabré et très moche, qui permettait d'accéder directement à l'étage. Je ne sais pas si c'est mon grand-père qui l'avait fait faire par un maçon du nom de Derma pour ses locataires, mais ce que ma mère et ma tante Denise m'ont confirmé tout récemment, c'est que ce maçon, artiste à ses heures, avait sculpté, pendant la guerre de 39 - 45 un bel écusson en pierre dans le linteau de la porte de l'étage. On peut y reconnaitre l'initiale D suivie de  P avec probablement d'autres lettres entrelacées (les initiales de Denys Penot mon grand-père), au-dessous, une fleur a été gravée pour compléter ces armoiries. Ce pauvre Derma a été dénoncé comme étant communiste. Il a été déporté et n'est jamais revenu.

Sur cet écusson gravé dans le linteau de la porte du 1er étage du chai
on peut lire les lettres D et P (Denys Penot). et au-dessous une fleur.
La porte du chai très ancienne est en contrebas de la chaussée.

Les panneaux de la porte sont fixés
par des chevilles en bois hors d'âge.

Ce qui me frappe le plus dans cet ensemble de bâtiments ce sont les nombreuses cheminées très anciennes. 2 grandes cheminées superposées, avec corniches pyramidales inversées, trônent dans la partie arrière dont les étages ont été partiellement défoncés. On peut les apercevoir d'en bas. Chaque étage du chai à proprement parler possède bien sûr sa cheminée. Celle du rez-de-chaussée est vraiment particulière. Elle est constituée en fait de 2 cheminées imbriquées l'une dans l'autre. La plus grande très ancienne, avec son chambranle démesuré, soutient les poutres du plafond, la deuxième, tout en pierre taillée semble blottie dans l'âtre de la première. A l'étage, subsiste aussi une jolie petite fenêtre renaissance avec, taillé dans la masse, son siège en pierre. La fenêtre a été murée comme beaucoup d'autres à l'époque où elles étaient taxées.

La cheminée du rez-de-chaussée dans la pièce
attenante au chai.
Il y en a une autre pratiquement identique à l'étage de
ce corps de bâtiment.
La cheminée double du chai, avec la cheminée en
pierre, encastrée dans la plus grande.
Devant on a stocké les portes vitrées de l'ancien
magasin de chaussures..
 Au fond du chai, contre le mur de séparation des 2 corps de bâtiment, on distingue bien nettement l'entrée en demi-cintre d'une cave voutée. Un bel escalier en pierre de taille a été obstrué par des gravats et la cave condamnée (quand ?). En 1974, c'est moi qui ai comblé le seuil avec du ciment et scellé une grille pour en faire un réceptacle pour l'eau de nettoyage des barriques et autres récipients, avec la bénédiction de mon grand-père Denys. J'ai bien envie de rouvrir ce passage et remettre en valeur cette cave qui s'étend sous le corps de bâtiment  arrière. Mon grand-père en avait percé la voute pour en faire des latrines pour ses locataires. Il n'y avait pas le tout à l'égout en ce temps là. Il en avait fait de même avec une autre cave voutée située sous un autre bâtiment de l'autre côté de la Rue du Château pour la maison familiale. C'étaient nos toilettes quand j'étais adolescent, il y faisait froid l'hiver, il n'y avait même pas de lumière et ma petite sœur avait trop peur d'y aller. Tout ça c'est terminé maintenant. Le bas-bourg de Bonneuil doit être truffé de caves de ce genre (J'en connais 2 ou 3 autres au moins.). Le niveau de la Vienne devait être plus bas que ce qu'il est aujourd'hui, malgré la présence d'un barrage en aval du bourg. Et même souvent, il fallait descendre 2 ou 3 marches pour entrer dans les vieilles bâtisses du quartier.



Vue du seuil de la cave située au fond du chai. Autrefois, le chai
a été une auberge. On entreposait les barriques dans la cave.
Une marque d'usure dans la pierre centrale du seuil laisse
imaginer les efforts de mes ancêtres. pour descendre les lourdes futailles.


Dans les années 50, le bâtiment a été transformé en garage : une porte de garage a été percée et le beau dallage en partie enlevé. Moi qui souhaite une hygiène impeccable dans le chai, j'ai beaucoup de mal à nettoyer les joints plus ou moins profonds et larges, laissés entre les grosses dalles restantes. Mais c'est rustique et beau. En effet, ce dallage est fait de grosses pierres calcaires polies, provenant des carrières proches, de Lavoux ou de Chauvigny, mais plus probablement de la carrière du Goulet (?). Mon grand-père me parlait souvent d'une autre carrière à Bonneuil mais disparue aujourd'hui. On y extrayait une pierre de très bonne qualité qui aurait été utilisée jusqu'à Paris pour la construction de bâtiments prestigieux. C'est Camille Benoît, un vieux maçon du village à qui l'on doit de nombreuses constructions solides, qui m'a raconté ça. Était-ce pour agrandir le chai que cette ouverture a été pratiquée ? Je pense que c'est plutôt pour y garer la fourgonnette Peugeot que mon grand-père avait acquise et que mon père utilisait pour effectuer ses tournées de chaussures dans tous les villages voisins de Bonneuil, jusqu'à Saint Georges et Dissay  d'un côté et Senillé et Targé de l'autre.

C'est pour abriter le petit fourgon Peugeot destiné aux tournées de chaussures
qu'une porte de garage a été percée dans la façade ouest du bâtiment qui sert de chai aujourd'hui.
Le commerce était prioritaire devant tout le reste, normal car la vente des chaussures  constituait le revenu financier principal. Cette belle maison datant du moyen âge au moins en a été toute défigurée, mais ceci permet aujourd'hui d'encuver la vendange dans le chai avec un minimum de manipulations.
Il faut rentrer dans la bâtisse à reculons, en poussant la remorque portant un charreau bien plein et en passant par cette porte tout juste assez large. La manœuvre est périlleuse, il y a un caniveau et un petit trottoir à enjamber qui compliquent l'affaire. Il faut s'arrêter juste assez profondément dans le chai pour que la cuve soit suffisamment proche du pressoir.  Il faut aussi s'assurer que l'on puisse ouvrir au moins une portière de la voiture tractrice car l'engin se retrouve coincé entre les 2 montants de la porte percée dans un mur épais de 60 cm. C'est du travail de spécialiste !

La descente de la vigne au chai : Bon voilà, cette année la vendange est arrivée à bon port, sans encombres. Le charreau ne s'est pas renversé dans la côte de La Goutaille comme c'était arrivé une fois. Il y avait trop de raisins cette année là. Les cuveaux débordaient et le pauvre cheval de l'Oncle Roger Prudent s'était laissé emporter dans la descente, tout avait chu dans le fossé.
 (Comme la Marie Louise de la chanson..."Tint te bin j'allons chalouper, si te t'tins pas tu chéras Marie-Louise, Tint te bin, j'allons chalouper, si te tins pas te chéras dans l'foussé."). Un drame. En fait, l'oncle Prudent qui n'avait pas été prudent cette journée là.  C'était un grand gaillard, costaud et gentil. En vérité il s'appelait Auguste de son nom, un descendant de champis* donc sans doute, comme aurait dit mon grand-père.
Je me souviens pour une vendange, je descendais la remorque derrière la Renault 12 break de mon père et  j'ai bien failli en faire autant. Abordant ladite descente de La Goutaille un peu trop vite, quand j'ai commencé à freiner, la remorque m'a poussé et la voiture a commencé à partir en crabe. Pour éviter la catastrophe, j'ai  accéléré au contraire pour redresser l'attelage et essayer de contrôler au mieux la trajectoire de l'équipage. Ça allait de plus en plus vite, les petits virages le long du ruisseau ont été pris tant bien que mal, heureusement personne n'arrivait en face. Une fois arrivé au bas de la descente, il y avait un faux plat qui m'a permis de freiner doucement jusqu'au croisement du chemin avec la grand-route de Poitiers, au carrefour du Pontreau où ça remonte un peu. Mais quelle frayeur ! Depuis, je marque un temps d'arrêt avant d'aborder la grande descente et même comme ça, il ne faut surtout pas se laisser emporter par la vitesse, sinon c'est "une belle Marie-Louise" ! En y regardant de plus près, la vigne étant située au plus haut du coteau, la route descend pratiquement tout le temps depuis l’Âne vert, le fief de Mimile, jusqu'au chai.
Après, on passe devant la gendarmerie, discrètement, des fois qu’on serait en surcharge ! Ensuite, on traverse la place du champ de foire. Le bourlot, brandi à l'arrière de la cuve, intrigue les ignorants. D'autres nous font un petit signe amical. Nous, on est fier, on klaxonnerait presque comme pour les défilés des mariages.
Je préfère passer pas la Poste plutôt que par la Grand-rue, ça descend moins par là vers le bas-bourg.
Le périple se termine enfin au bout de la rue du Château, face à la maison familiale. Je m'arrête alors en bas de la Grand-rue et je me retrouve dos à la porte du chai. Il n'y a plus qu'à reculer.
On n'a pas crevé non plus ! eh ! oui, ça aussi, c'est déjà arrivé...
Les autres vont se ranger sur la Place de l'église. La petite remorque avec ses bailles pleines de raisin blanc se place en face de la vieille, très vieille porte du chai. C'est vrai, elle est si ancienne avec ses clous en bois et sa targette d'un autre temps. D'abord pour entrer par cette porte dans le chai, il faut descendre 2 marches et se baisser, car elle n'est pas bien haute et donc il faut inévitablement enlever son chapeau, si on en porte un, et faire une sorte de révérence en signe d’allégeance à cet endroit mythique. A ce propos, même les femmes peuvent entrer dans le chai de nos jours. Autrefois, ce n'était pas le cas. On prétendait que les femmes qui avaient leurs règles pouvaient faire tourner le vin. Tu parles ! C'était juste pour qu'elles ne voient pas ce qui pouvait bien se tramer à l'intérieur... Mais aujourd'hui, elles peuvent entrer, car on a bien besoin d'elles dans le chai !
Ah ! au fait, il y a toujours une place de libre pour se garer devant la porte du chai, car, le matin des vendanges, on confectionne une petite pancarte mentionnant quelque chose du genre :"Prière de ne pas stationner, vendanges de la Haumuche.", que l'on accroche au vieil escalier en ciment collé au mur du chai.
En 2010, on a pris le temps de confectionner une belle pancarte
pour libérer de la place devant le chai..

Celle de 2013  est plus rudimentaire mais tout aussi efficace.
On va maintenant procéder aux premières transformations de cette précieuse récolte, à suivre...
* vaisseaux : "As-tu préparé tes vaisseaux ?" disait mon grand-père a ses collègues vignerons qu'il croisait à l'approche des vendanges. Les vaisseaux constituent l'ensemble des récipients et véhicules qui vont être utilisés lors des vendanges et après. On vérifie l'état de tout cet arsenal, effectue les réparations, nettoie soigneusement pressoir, égrennoir et autres ustensiles.  C'est aussi le moment de faire combuger cassette, bailles, barriques, tonnes, charreaux et tonneux en les arrosant régulièrement d'eau chaude après les avoir nettoyés à la brosse à chiendent.

*chaisière : la chaisière de la paroisse vendait les cierges qui  étaient allumés dans l'église pour remercier Dieu, un Saint ou demander une Grâce. C'est elle aussi qui s'occupait de la quête lors des messes du dimanche ou des cérémonies religieuses dans l'église. On peut aussi penser que c'est elle qui gérait les places numérotées et marquées au nom des familles prestigieuses du village. il fallait payer plus pour avoir une place bien en vue. Bref, c'est la chaisière qui s'occupait des affaires d'argent du curé. 
  
* Champis : c'est ainsi qu'on appelait les enfants de l'assistance publique.
Les pauvres bébés abandonnés,  par leur mère le plus souvent et déposés sous le porche de l'église ou à l'entrée du couvent. Les sœurs qui recueillaient l'enfant anonyme lui donnaient pour nom, celui du saint du jour.
C'est ainsi que les personnes dont le nom est un prénom sont très certainement des descendants de champis.

samedi 23 novembre 2013

Les vendanges de la Vigne de la Haumuche

Les vendanges*, une journée de fête et de  tradition qui s'est tenue le 12 octobre 2013 à La Haumuche.

1000 ceps, 5 grappes par cep en moyenne, ça en fait des coups de sécateur à donner pour récolter les précieux raisins. Alors, depuis toujours, la famille se réunit pour cueillir les raisins noirs et blancs. Cette année nous étions 14 adultes, la descendance de Mémé Didi presqu'au grand complet, réunie pour cette grande opération annuelle. 13 hL de vendange ont été ramenés dans le chai pour faire du vin blanc, du rosé, du vin rouge, mais aussi des jus de raisin blanc et rouge, des pineaux de la même couleur (Nous disons plutôt vermouth* chez nous.) .
Les vignerons restent toujours très flous quand on leur demande combien ils ont récolté de raisin. Je ne sais pas pourquoi, sans doute parce que ce n'est pas facile à évaluer avec une très grande précision. Peut-être aussi parce que le vigneron fait une déclaration de récolte auprès des services des douanes de l’État Français et que la quantité déclarée n'est pas forcément celle réellement récoltée. D'ailleurs, déclarer plus ou en moins de vendange, je ne comprends pas quel avantage le vigneron peut en tirer., bien des taxes associées à la production de l'alcool ont été abolies depuis longtemps.

Le matériel de vendange

Le chemin est long et plein d'embûches depuis la grappe de raisin accrochée au pampre de la vigne, jusqu'au chai. Autrefois, le raisin était coupé à la serpette, maintenant on utilise des sécateurs de différentes formes et tailles. La vendange était ramassée dans des cassettes en bois, vidée dans une hotte d'abord en osier, puis en métal , elle même vidée dans le charreau*.
Alors, détaillons un peu tout ça :

Le transport de la vendange: 
Autrefois, il y avait le cheval qui tirait un tombereau sur lequel étaient installées de grandes cuves en chêne, réceptacles de la vendange.

Vendanges de la Haumuche, juste avent la guerre 39-45.
Encordées debout sur le tombereau, 3 tonnes* servent de charreau*.
On y reconnait de droite à gauche, mon père,
sa sœur Denise, leur grand-père Eugène Prieur et leur sœur aînée Suzanne.
Le jeune homme à gauche m'est inconnu. Au pied de la charrette,
c'est l'oncle Clément Prieur, frère d'Eugène.
Sur cette photo, prise sans doute lors des mêmes vendanges, posent,
devant le cheval, mon grand-père Denys, celui qui m'a tant appris,
ainsi que ma grand-mère Juliette son épouse, née Prieur.
Au premier plan on retrouve  l'oncle Clément Prieur, et
Eugène Prieur, mon arrière grand-père donc.

 Quelques années plus tard, le cheval est abandonné et les charreaux sont chargés sur des plateaux tirés par des tracteurs. Et puis, dans les années 1990, mon père a fait faire une cuve en aluminium, légère et hygiénique, dans laquelle on met encore le raisin rouge aujourd'hui. 

Le tracteur de "Mimile" tire maintenant la remorque.
Le vieux cheval est mort depuis longtemps.
Dans les années 90 la cuve en aluminium d'une capacité de 1500 L
remplace le charreau.





Le nettoyage de la cuve métallique est méticuleux.
Il y a eu aussi la période du mini tracteur, avec la remorque aménagée pour transporter le raisin blanc. On y plaçait les bailles et les comportes pleines de raisins blancs. La remorque était en fait la remorque du petit voilier que j'avais construit en 1966. J'avais fabriqué un plateau en bois qui,  une fois fixé sur l'armature métallique, s'est révélé bien pratique pour le transport d'objets volumineux très divers.

Le petit tracteur de pépé André amusait beaucoup les enfants
dans les années 80. Il était à leur échelle
avec sa petite remorque.
Pas besoin de permis pour conduire le mini tracteur
et le klaxon avait un son de canard enroué très rigolo..


Il y a eu aussi les années folles, avec les cuveaux montés dans la
bétaillère de Michel Marché. On y foulait le raisin en dansant.
Les bailles* et les comportes 
Ce sont des récipients que l'on pose dans le rang  pour y placer les raisins blancs ou autres raisins que l'on veut mettre à part des autres. Elles sont ensuite transportées à bras d'homme sur la remorque ou dans le coffre de la voiture et descendues dans le chai. Avant, les bailles étaient en bois, elles étaient lourdes, on les faisait combuger pour les rendre plus ou moins étanches. Deux douelles diamétralement opposées dépassaient des autres. Elles étaient percées d'un trou dans lequel on pouvait passer une perche pour transporter la vendange à deux sur l'épaule. Maintenant on utilise des comportes en plastique. Des poubelles d'une contenance de 90 L que l'on positionne de-ci de-là dans les rangs, les vendangeurs y déposent, en passant, leur récolte de raisins sélectionnés. Cette année, je m'en suis procuré 3 nouvelles dans un magasin spécialisé, sans me résigner à jeter les vieilles toutes défoncées. Elles sont noires et très solides. espérons qu'elles vont durer longtemps.

Les bailles*et le seau à vendange, tout était en bois.
On y mettait le raisin blanc.
On utilise aujourd’hui des comportes en plastique
qu'il faut parfois rafistoler dans le chai avant de partir en vendanges.
 La hotte 
"La hotte; la hotte !!!" crie bien fort le vendangeur . Il est tout fier d'avoir empli son baquet avant les autres et il le fait savoir alentour. Parfois, c'est la chance d'être tombé sur un cep particulièrement chargé de raisins qui le fait aller si vite. Pendant ce temps là, dans l'autre rang, de pauvres vendangeurs malchanceux s'affairent à ramasser les graines tombées à terre par le passage d'un chien de chasse ou d'un gibier et haussent les épaules de dépit. Je me souviens, autrefois, il fallait vraiment tout ramasser. Pas une graine ne devait rester par terre. Alors, quand on tombait sur un pied de noah, c'était souvent la catastrophe. Certains vendangeurs expérimentés, choisissaient leur rang. Ils se rappelaient que dans tel rangée il n'y avait pas de noah. Ou bien, sous le prétexte d'aller aider un groupe un peu en retard dans un rang voisin, ils changeaient de rang juste avant un énorme pied de noah. J'ai aussi un souvenir très net de mon grand-oncle  Alphonse  Bodin : Je l'avais surpris en train d'écraser discrètement les graines tombées sous un cep avec sa grosse botte en caoutchouc. Il savait bien ce qu'il faisait, il y avait tellement de vendange cette année là, mais il ne fallait pas que quelqu'un voit que le travail n'était pas fait comme il se doit. Je l'ai peut-être fait moi aussi dernièrement, mais il ne faudrait vraiment pas que ça se sache !
 Mais revenons à nos moutons : de forme conique,  la hotte est un outil de vendange primordial. Le vendangeur y verse le contenu de sa cassette. Elle se porte sur le dos. Elle peut parfois peser très lourd quand elle contient des graines de noah ou que les vendangeurs ont un peu trop tassé le raisin. Les minces bretelles cinglent les clavicules (Cette année, on a capitonné, avec succès paraît-il,  le dos et le bas de l'appareil, les parties qui sont en contact avec le dos du hotteur.). Le hotteur va ainsi remonter tout le rang pour aller vider son contenu dans la cuve. Il doit bien s'organiser pour ne pas attendre avec sa hotte à moitié pleine, ça fait mal au dos. Mais aussi , ne pouvant pas enjamber le rang, il doit aller au devant des vendangeurs dans le bon rang, celui où les baquets n'ont pas été vidés en dernier. Sinon, on se passe les cassettes par dessus les fils de fer pour atteindre la hotte. Les passeurs sollicités se relèvent, se sortent de leur travail de cueillette. Ils en profitent alors pour bavarder, regarder le paysage...
Bref, la concentration et le rendement sont diminués. C'est pas bien !

La hotte fait souffrir le hotteur lorsqu'elle est bien chargée.
Les bretelles agressent les épaules.
Et ce n'est pas tout ! Il faut monter à l'échelle pour vider
la hotte dans l'égrennoir.

















N'importe qui ne peut pas porter la hotte. Il faut être costaud et pas trop grand pour que l'ouverture de la hotte soit accessible au vendangeur qui va vider sa cassette bien pleine. S'accroupir avec une hotte déjà lourde, c'est délicat, on a du mal à se relever. Et puis, il y a beaucoup de chemin à parcourir quand les vendangeurs sont au bout du rang. Je me souviens, mon grand-père avait une vigne à la folie. 3 rangs de noah, long d'au moins 500 m. Je portais la hotte, j'avais la taille et la force requise, mais le charreau était tout à l'autre bout de la vigne et en plus, je me souviens, il faisait très chaud cette année-là. Plus un aller-retour de hotte prenait du temps et plus les cassettes étaient pleines. Le hotteur s'en retournait alors avec une hotte encore plus lourde, un mal au dos, aux épaules et aux jambes encore plus aigu. Ma vieille grand-mère, trop handicapée pour vendanger, restait assise près de la remorque à tricoter à l'ombre. J'arrivais enfin, suant et soufflant pour vider ma hotte de son précieux contenu. "Mon pauv' garçon ils vont te tuer." Je  prenais à peine le temps de boire une gorgée d'eau, "Ah ! oui, il faut que je leur ramène un ressort de sécateur et une bouteille d'eau fraiche." et c'était reparti, presqu'en courant, car j'entendais déjà chanter : "La hotte, la hotte !!!".
Cette année, il y avait beaucoup de candidats au casting pour la sélection des hotteurs. Beaucoup s'y sont essayés, ils ont commencé leur formation. Ce sera bon dans quelques années.

Première tentative de portage de hotte.
C'est encore bien tôt pour cette jeune candidate.
Et pourquoi pas une hotteuse ! Égalité, égalité !
Pas mal... Hotte bien équilibrée, dos bien droit, bras relâchés.
Ce candidat a de l'avenir.
Dans un dizaine d'années, il fera un excellent hotteur !

les outils du vendangeur.
Un bon vendangeur utilise un sécateur pour couper le raisin, et une cassette pour stocker sa cueillette. En début de campagne, ceux qui n'ont pas leur propre matériel, choisissent leur sécateur parmi ceux présentés dans la vieille boîte en bois. Il y a des sécateurs à bout pointu et d'autres plus ronds. Les premiers paraissent plus dangereux, surtout quand les vendangeurs sont face à face sur le même cep. Mais on a aussi déjà eu des blessures avec les sécateurs ronds. On ne voit pas toujours très bien ce que l'on coupe et parfois, le doigt de l'équipier d'en face, ou le sien, se retrouve entre les 2 lames. Aïe ! 
Les enfants, on leur confie des petits ciseaux à bout rond, mais même avec ça il y a eu des pépins... Notre pauvre petite Margot s'est profondément coupée avec l'extrémité de ses petits ciseaux en trébuchant. Elle a dû aller aux urgences de l'hôpital pour faire mettre des points de suture juste à côté de l’œil.  Elle a été très courageuse et  s'en est retournée dans la vigne avec un petit pansement qui ne l'a pas empêchée de jouer et de galoper de nouveau.  Margot, est née un 13 septembre et, à sa sortie de la maternité, elle est venue directement  dans la Vigne de la Haumuche avant même d'aller dans sa maison, car c'était jour de vendanges et on était tous là. C'était en 2011. Alors, vous pensez si elle est attachée aux vendanges cette petite !
Le vendangeur expert essaye son sécateur sur une branche ou une vrille et se décide enfin après mûre réflexion. 
Ensuite, on choisit son baquet. Dans la collection étalée à l'entrée de la vigne, on trouve de vieilles cassettes en bois, des cassettes modernes et des seaux en plastique. On peut même choisir sa couleur, vert ou noir ou bordeaux. Une anse en bois rendrait l'objet plus agréable à porter, etc.

Les sécateurs à bout pointu ou à bout rond
sont soigneusement nettoyés, affûtés et graissés.
Bien vite il faut choisir le meilleur.
Les seaux de toutes les couleurs, les cassettes en bois ou en plastique
attendent les vendangeurs à l'entrée du rang.
Il y a aussi les petites cassettes pour les enfants.



Et c'est parti, mais dans quel rang ? 
"Bon alors, on commence par le haut ou par le bas ?" 
"Par les noah en bas, ça vous fera un bon échauffement !" répond le patron.  
Et l'on en voit alors qui se précipitent dans le deuxième rang, d'autres dans le quatrième, car ils savent que ces rangs là sont moins longs et surtout qu'ils ne sont pas plantés de cette saloperie de noah si difficile à ramasser (Je n'arrête pas d'évoquer le noah, il faudra que je lui consacre un message, faites-m'y penser chers lecteurs !).
 Puis le petit groupe s'ébranle en se dandinant, les cassettes au bras, tenant parfois par la main un petit tout fier et content de faire comme les grands. Ils s'éloignent vers le bout du bas de la vigne, au plus loin pour ramasser les précieuses graines de façon à toujours rapprocher la récolte vers la cuve et faciliter le travail du hotteur.

"Mais qui a taillé ce cep, c'est n'importe quoi, il est plein de raisins."
"Moi, je goutte toujours avant de cueillir."
"J'en ai déjà coupé plein, ma cassette est presque pleine !"
"Bon alors, comment ça s'ouvre ce truc ?"
T'as qu'à tourner le cran de sécurité,
c'est très facile !"
 



















"Regardez bien,  jeunes débutants, comment on goûte
une graine de raisin pour savoir si elle est bien mûre."

Tout est bien organisé, le spectacle est amusant, on voit des têtes qui apparaissent et disparaissent périodiquement à chaque changement de cep, une sorte de mouvement très lent de yo-yo. Ça cause, ça chante, ça se plaint du dos, "la hotte, la hotte !" , "encore ! ", "oh ! là là, celui-là, faudrait faire une photo ! Mais il est pas comme les autres, les raisins sont roses, on les met où ? avec les blancs ou avec les rouges ? ".

Ce cep de raisins roses, n'a pas encore été identifié. S'agirait-il d'un Grolleau ? Il y en a 3 autres comme lui dans la Vigne de La Haumuche. On étudiera ça prochainement avec un peu d'ampélographie.
Et c'est ainsi, que la journée s'écoule, paisiblement. Les sécateurs s'agitent, les cassettes se remplissent, la hotte se promène, va et vient, en bas, en haut. Et les enfants s'amusent, rient, courent. Tout va bien, il ne fait pas trop chaud et cette année il n'a pas plu. 
Nous avons un peu retardé le départ le matin pour attendre la fin du passage pluvieux, nous sommes arrivés sur le chantier vers 10 h 15.
Et après, nous avons même eu un beau rayon de soleil qui a réchauffé la vendange. 
Une bonne pause de 2 heures, entre 12 h 40 et 14 h 30, nous a permis de recharger les batteries avec un bon repas. Comme cette année il y avait beaucoup de jeunes enfants et que les vendanges étaient tardives, nous sommes redescendus déjeuner dans la "Vieille maison".  
Mon carnet de notes stipule dans l’extrême détail :
le matin : chargement des remorques, escabeau, hotte, comportes, seaux et cassettes, sécateurs, fourche


mémé Claudie, Mimi, Vincent, Clémence, Clarisse, Victor (1ères vendanges), Luc, Antoine, 



Stéphanie, David, Arthur, Margot, Aline, Émilie, Cathy, François. 





Anna et Camille sont restés au chaud.







Accident de Margot coupée profondément à l'arcade droite, elle va se faire recoudre à La Providence à Poitiers.

sont arrivés en fin de matinée: Mathieu, Laeticia, Alice, Martin





10 h 15 --> 12 h 40 le bas aux 3/4 (il y a peu de noah).






descente dans le bourg pour déjeuner dans la vieille maison (13 h --> 14 h 30).




reprise vers 15 h, sans Clarisse et ses 2 enfants, retour de Stéphanie et Margot, Anna et Camille dans l'après-midi

15 h 00  -->  15 h 30 : fin de la vendange du bas






15 h 30 --> 16 h 45 : vendange du haut







Vers 16 h 45, la vendange était toute ramassée. Nous avons pu profiter ensuite d'un petit moment de détente agréable, pendant lequel les enfants, bien qu'un peu fatigués, s'en sont donné à cœur joie, avec des batailles de raisin, des lancés de graines avec la bouche, sous l’œil bienveillant et même complice de Grand Mildiou, qui savait bien que quelques verres de jus en moins valaient bien des rires d'enfants et des bons souvenirs à jamais marqués dans leur mémoire juvénile.

Nous avons bu un petit coup (bière ou jus de fruit, même pas de vin !), respiré l'air pur, écouté les oiseaux et les bruits de la nature, apprécié cette sérénité qui se dégage du paysage.

Le Bourlot* :
Aline s'est vu confier la lourde tâche de confectionner le bourlot qui indique la fin des vendanges. Elle a su trouver quelques fleurs sauvages et des beaux rameaux de vigne couverts de feuilles bien rouges. Nous en avons confectionné un bouquet original qui a été accroché à la fourche de métal, piquée dans la vendange . Cette fourche sert à répartir les raisins dans la cuve et à éliminer quelques rafles et grappes malades.
Nous avons ensuite rassemblé les 5 bailles contenant les raisins blancs (une n'était qu'à moitié pleine), nous en avons chargé 3 dans la petite remorque et 2 dans le coffre du Scenic. Les seaux, cassettes, hotte, escabeau, on été placés dans la cuve sur les 70 cm de vendange non foulée. Je préfère conserver les raisins intacts le plus longtemps possible pour éviter une oxydation précoce et un contact important du jus avec l'air.  Le foulage et l'égrenage seront effectués dans le chai.
Un petit cortège de voitures s'est enfin formé pour redescendre dans le village.

 Il va maintenant falloir s'occuper de toute cette belle vendange : dépoter, presser, fouler... Et préparer le grand dîner des vendanges, le Bourlot,  mais ça,  c'est une autre histoire, à suivre donc...

*Les  vendanges : période annuelle au cours de laquelle on récolte les raisins dans les vignes.
La vendange : ensemble des raisins cueillis par les vendangeurs*, au moment des vendanges
  et qui seront transformés principalement en vin.

Les vendangeurs :  personnels hautement qualifiés, chargés de la cueillette des raisins dans les vignes.
Vendanger : 1. Cueillir les grappes de raisin dans la vigne et les rassembler pour les rapporter dans le chai.
2. Rater quelque chose par maladresse.   Exemple : vendanger une balle de golf  signifie louper
une approche facile après un drive magnifique.


*le vermouth : en vérité le vermouth est un vin blanc enrichi en alcool, moût de raisin et plantes diverses.
Notre vermouth local est fabriqué  à partir d'un mélange d'eau de vie et de moût de raisin, à bonne proportion pour obtenir un mélange à 18 °. A ce degré d'alcool,  la fermentation est bloquée et l'on obtient un apéritif, blanc ou rouge suivant la couleur du moût, très apprécié. Bien sûr ce n'est pas du vrai Pineau qui, à la différence de notre vermouth qui sent un peu l'alcool à brûler, est assemblé à partir de jeune C
ognac. On pourrait très bien faire cet assemblage avec du Cognac bas de gamme acheté en magasin.


* le charreau (absent du dictionnaire) : sorte de grande cuve en bois à fond plat de forme ovale, pouvant atteindre 3 m dans sa plus grande dimension servant à charroyer la vendange. Les parois d'environ 1,5 m de hauteur, sont faites d'un assemblage incliné de douelles planes et trapézoïdales conférant au charreau une ouverture évasée. Ne pas confondre avec le tonneau*.
Je l'ai écrit avec 2 r pour faire comme charrette plutôt que comme chariot qui lui n'en prend qu'un.


* La baille : récipient de bois destiné à accueillir la vendange dans les rangs de vigne. On passait un manche de  bois dans les 2 trous percés dans 2 douelles opposées pour transporter le raisin. On les utilisait principalement pour recueillir les raisins blancs qui étaient séparés du raisin noir pour confectionner le fameux "Vin blanc de la Haumuche".
Les bailles pouvaient contenir 50 ou 100 L de raisins qui "tombaient à la baille" lorsqu'on vidait sa cassette dedans !


* Le tonneau : sorte de grande barrique posée debout et sans couvercle destinée à recevoir la vendange pour la fermentation des raisins. les tonneaux ont une capacité variant de 1,5 à 3 hL.
Il était très dangereux de descendre dans le tonneau lors de la fermentation du raisin, car l'atmosphère était constituée principalement de gaz carbonique et l'on pouvait mourir asphyxié.


*La tonne : c'est un petit tonneau, ou une grande barrique, d'une contenance de l'ordre de 500 L. Elle était positionnée debout dans la charrette et pouvait remplacer le charreau lors des vendanges.

* Le bourlot, l'avelot en Charentais : c'est l'évènement qui marque le dernier jour des vendanges.
Bien sûr, maintenant les vendanges ne durent qu'une seule journée,mais j'ai connu une époque où
cela pouvait prendre presqu'une semaine. Lorsque la cueillette était terminée,  pour fêter ça et l'annoncer à la communauté, un gros bouquet était placé sur le dernier charreau redescendu de la vigne.

Le bourlot c'est ainsi que l'on nomme aussi le dernier repas pris par le vendangeurs à l'issue des vendanges. On y mange et boit  bien, mais ça aussi c'est une autre histoire.



mercredi 9 octobre 2013

Les travaux d'été dans la vigne de La Haumuche

Aujourd'hui, mardi 8 octobre 2013, je viens de terminer les derniers préparatifs de la vigne en vue des vendanges programmées samedi prochain 12 octobre. 
 Ça y est, elle est prête la vigne, "maquillée" comme je le souhaitais, elle attend la visite de toute la famille pour cette journée de fête et de retrouvailles
Des 5 rangs pas un seul seul pampre ne dépasse. Ils sont tous bien  maintenus verticalement par les 2 boucles de fil de fer mises en place en juillet et le dessus a été coupé à la cisaille. Sous le feuillage rougissant, pendent de magnifiques grappes, des grappes noires aux grains plus ou moins gros suivant le cépage, des grappes jaunes dorées de Chardonnay et de Sauvignon, des grappes un peu vertes de Noah. La récolte promet d'être de qualité et abondante. On peut quand même relever de-ci delà des grains desséchés, quelques grains pourris aussi, il faudra peut-être faire un peu de triage des grappes. Ces grappes sont bien dégagées, pas d'herbes folles sous les ceps ni trop de feuillages pour leur cacher ces dernières heures de soleil si importantes pour faire monter le taux de sucre. Dans l'ensemble, c'est la présence de ceps bien chargés de raisins qui domine à la vue. C'est une bien belle perspective, avec, entre les rangs, un beau tapis de gazon tout juste tondu bien ras.  J'ai même un peu peaufiné en fauchant les abords et le pré de la vigne de René Bercy.
Et puis, comme souvent observé le soir sur ce site de La Haumuche, en cette soirée d'automne, il régnait une atmosphère toute particulière. Un calme tout à fait insolite s’installe. Les oiseaux se taisent, le soleil disparaît derrière le Pinail, les couleurs du fond lointain s'estompent, le vent se fait douce caresse. J'écoute ce silence. la lumière se fait extraterrestre, les rouges ressortent, les jaunes les accompagnent, les bleus des raisins scintillent sous les derniers rayons réfléchis du soleil rasant. La terre dégage une agréable odeur de foin frais, de gazon fraîchement coupé. Comme pour me remercier la vigne se pare de ses plus beaux atours. C'est un moment magique, baigné de sérénité et de paix qui appelle à la méditation. J'ai du mal à m'en extraire. Si j'y croyais, j'entendrais presque les murmures des esprits de mes ancêtres... 

Les travaux d'entretien de la vigne en été.
Pour en arriver à avoir une vigne bien propre, comme dans les grands domaines, ce ne sont pas moins de 8 traitements à la bouillie bordelaise qu'il a fallu opérer régulièrement, de préférence avant chaque période pluvieuse. Les derniers passages, je les ai faits assis sur le tracteur, avec la pompe à traiter accrochée sur le dos et posée sur le quarter du moteur. En même temps, j'enclenchais la tondeuse ventrale et je tondais l'herbe dans les rangs. Ça marche super bien et ce n'est pas fatigant. Je dois juste m'arrêter tous les 10 m pour remettre de la pression dans la pompe car je ne peux pas tenir la lance du pulvérisateur, le levier de la pompe et le volant du tracteur en même temps. J'ai bien essayé de coincer le volant avec un genou, mais il y a encore trop de petits cahots et le tracteur dévie de sa route ! Ça doit  doit être assez cocasse de me voir faire, dommage, je n'ai pas de photos à montrer.
Sauf par forte chaleur, ce qui est arrivé une fois ou 2, j'ai mélangé du soufre mouillable à la bouillie pour mieux combattre l'oïdium.
J'ai aussi traité sous les ceps avec du glyphosate, (une fois en juin et une fois en août), car, avec les orages d'été, l'herbe a beaucoup poussé. A chaque fois, il faut veiller à bien écheniller les pieds assez hauts et bien relever les branches afin qu'aucune feuille de vigne ne soit arrosée de produit mortel. Il faut prendre son mal en patience et ne pas trop compter son temps. 
Enfin, le passage de la tondeuse entre les rangs à 6 reprises a été rendu nécessaire pour ne pas se laisser déborder par les herbes folles.
J'ai comptabilisé plus de 70 heures pour effectuer ces diverses opérations. C'est un loisir qui m'occupe bien, mais peut-être pas encore autant que le golf.

Le passage des experts.
Évidemment toutes ces interventions ne se faisaient pas sans évaluations. Des experts de tous âges, sont régulièrement venus visiter la vigne et prodiguer leurs critiques et leurs encouragements.

D"abord on regarde bien partout.
"Chapeau, celui-là, il va bien donner !"
"Cette grappe change de couleur, en fait, c'est la véraison* qui commence."
"Moi j'ai même pas mis mes bottes pour venir
tellement cette vigne est propre."
C'est mieux d'être tout petit, pas besoin de se baisser
pour expertiser les ceps.
"Regarde derrière-toi Aline, il y a une coccinelle".
"Et moi, je cherche un brin d'herbe à arracher,
mais j'en trouve pas, tellement c'est propre."


"Regarde pépé, j'ai arraché toutes les mauvaises herbes qui restaient."





"C'est quoi papa ce cépage, du Gamay ou du Pinot noir ?"
"Ben... c'est du Noah, regarde un peu comme il est haut."

"Coccinelle, demoiselle, vole jusqu'aux cieux..."
"Passez sous le pont."

"Bon, on y va ? Je voudrais bien aller me baigner maintenant."

"OK, on y va, on rentre à pied sur le Trait."
Et voilà le travail.

* Véraison : période au cours de laquelle les baies s'éclaircissent pour le raisin blanc
et rougissent pour le raisin noir. Les grappes paraissent malades !




dimanche 21 juillet 2013

Floraison, Nouaison, la belle saison de la vigne de La Haumuche

La floraison a vraiment tardé à se produire cette année. 
Mais elle a eu lieu quand même durant la deuxième moitié de juin. Tout c'est très bien passé, il n'y a pas eu de coulure* apparente. Les vendanges ont donc été fixées au 12 octobre 2013, soit environ 100 jours après la pleine floraison. Les traitements à la bouillie bordelaise et au soufre mouillable ont été opérés dans de bonnes conditions juste avant et juste après la floraison, ce qui fait que je n'ai pas vu de trace de maladie quelconque.
Et puis, au début de juillet, le temps a radicalement changé. Le température a grimpé de plus de 10 degrés d'un seul coup et un grand soleil généreux a tout inondé évaporant l'eau stagnant dans la vigne et réchauffant les ceps.
La nouaison a été rapide.
Les conséquences immédiates de ce beau temps sec se sont traduites par une augmentation radicale de la pression osmotique induisant la formation de grappes magnifiques et particulièrement nombreuses. Les fleurs se sont transformées en fruits qui, très vite, se sont mis à grossir pour atteindre aujourd'hui la taille d'un petit pois. C'est un régal pour les yeux tous ces petits points verts cachés au milieu des feuilles.

Ce cep d'hybride de 18315 (devenu Villard Noir depuis son anoblissement)
regorge de raisins.
Ce cep de Pinot noir n'est pas en reste. Les grappes bien formées
commencent à pendre sous les rameaux.













La pousse est fulgurante, le relevage et le rognage ont du être effectués rapidement.
 C'est à croire que la végétation veut à tout pris rattraper son retard. Les rameaux poussent à une vitesse folle, de plusieurs centimètres par jour, certains dépassent le mètre de long en quelques jours. Il faut palisser toutes ces branches pour que la vigne conserve une belle forme bien régulière, comme dans les grands crus. 
En juin j'ai d'abord remonté une première boucle de fil de fer avec les coulissants au niveau de la première encoche des piquets d'extrémité et les fils de fer accroché aux pointes recourbées fichées dans chaque piquet à environ 75 cm du sol. J'ai même effectué cette opération assis sur le mini tracteur combinant le relevage et la tonte.
La deuxième série de boucle de fils de fer que j'avais mise en place l'été dernier a été relevée elle aussi le 12 juillet, mais à pied cette fois et avec les mains ! Les rameaux sont trop nombreux et certains, les ceps de Plantet (54 55) par exemple, sont très cassants. Il faut plus de minutie et le tracteur avancerait trop vite. De plus je remonte les 2 côtés du rang au même passage, en accrochant les fils de fer aux crochets (pointes recourbées) plantés au sommet de chaque piquet à environ 1 m 10 du sol et les coulissants le plus haut possible le long des piquets de bout.
Ensuite un coup de cisaille sur le dessus des rangs vient égaliser tout ça, c'est du plus bel effet, à la fin il n'y a pas une feuille qui dépasse.
Encore un passage de la tondeuse la veille du 14 juillet et un traitement à la bouillie bordelaise, le lendemain très tôt, à raison de 300 g par pompe va j'espère continuer à protéger la vigne. Les températures devant dépasser 30 °C je n'ai pas mis de soufre dans la pompe car à ces températures, le soufre brûle la végétation. Le sulfate de cuivre mélangé à la chaux devrait protéger aussi un peu les jeunes rafles de la suette (oïdium).

Apoplexie**.
Cette année encore, quelques ceps en pleine croissance se dessèchent subitement. La sève ne circule plus dans la plante, les feuilles jaunissent et tombent le cep finit par crever, victime d'une "apoplexie". C'est comme ça que mon grand-père désignait ce fléau. L'apoplexie est mentionnée dans les ouvrages spécialisés sur la vigne. Je ne sais pas ce que c'est, qui en est la cause, mais cela se produit sur 2 ou 3 ceps chaque année. On pourrait croire que le cep a manqué d'eau, mais ce n'est pas le cas cette année. Les ceps atteints sont plutôt isolés au milieu de ceps en parfaite santé. Quoique, si on regarde l'illustration jointe, on s'aperçoit que le cep malade est voisin d'un tout jeune cep, à sa gauche, qui a dû lui même remplacer un autre cep malade l'année dernière ou il y a 2 ans. Il ne faudrait pas que cette maladie se répande, je regarderai ça plus en détail.

Ce cep, pourtant vigoureux il y a quelques jours est en train de crever.
Mon grand-père appelait ça "mourir d'apoplexie".

 C'est le seul petit bémol constaté. 
Je ne me lasse pas de contempler cette vigne, un bel alignement bien vert, bien maitrisé et, si on se place tout en haut de la vigne, côté sud, les 5 traits de verdure formés par les rangs bien homogènes car bien fournis en feuillage, soulignent la courbure harmonieuse du terrain, avec le Pinail au fond à l'horizon. L'entre-rang bien engazonné ne nuit pas à l'harmonie de l'ensemble et renforce le relief.

*Coulure : événement redouté des vignerons.
Les fleurs du raisin ne sont pas fécondées et
les grains ne se forment pas.
Les grappes ne sont pas compactes, la récolte sera maigre.

**Apoplexie : maladie de la vigne qui se manifeste subitement
sans symptôme apparent. En été, en quelques jours, le cep se dessèche brusquement.
La description la plus approchante semble être la Nécrose du bois [1], due à un champignon
qui se développerait dans les plaies, plaies de taille par exemple,
je pense aussi au décollement de l'écorce causée par le passage du fil de la débroussailleuse.

[1] - Les parasites de la vigne. Stratégie de protection raisonnée, adaptation de Jacques Blouin, éditions La Vigne Dunod, p.237, 2007"