samedi 22 juin 2013

On attend la floraison.

 Les conditions météorologiques.
Cette première moitié de l'année 2013 a été marquée par une météorologie tout à fait exceptionnelle. Un long hiver froid, suivi d'un printemps tout aussi froid et surtout très pluvieux, accompagné d'un déficit d'ensoleillement record, a contribué à perturber le développement de la vigne, celui de la nature aussi tout entière. Ce mauvais temps affecte, à la fin, notre caractère. Cette semaine, par exemple, il est tombé 75 mm d'eau en moins de 48 heures sur La Haumuche. Cette arrivée d'eau soudaine a provoqué le débordement des fossés, des petits ruisseaux, et des inondations dans les champs qui ne peuvent plus absorber toute cette eau. La vigne n'y a pas échappé. Arthur a été très surpris de voir ça, il s'est beaucoup amusé à ragouiller*, ça fiagoussait* * beaucoup, évidemment  l'eau est passée par dessus ses petites bottes. Il a fallu intervenir rapidement pour faire sécher tout ça.

"Mais pépé c'est quoi tout ça ? J'ai pas trop envie de nager la dedans, moi.
En fait ! Comment vas-tu t'y prendre pour faire du vin avec toute cette eau ?"
Il est déjà plein de bon sens ce petit.
Ainsi, au cours de ce printemps pourri qui nous fout le mouron*** et pendant que les herbes folles poussent de façon démesurée, la vigne végète et prend du retard sur son cycle. Nous avons peut-être 2 à 3 semaines de décalage par rapport à l'année dernière. Le 25 juin 2012, j'avais fixé la date des vendanges au 29 septembre 2012,  100 jours après la floraison. La vigne était donc en pleine fleur vers le 15 juin 2012. 

Le stade phénologique H : Boutons floraux détachés
 Tiens, je vous ai mis une photo de grappe de raisin en fleur parce que beaucoup n'en n'ont jamais vu. C'est plein de petites fleurs jaunes sur la grappe, avec des étamines et des pistils. Chaque petite fleur donnera, si tout va bien, une graine de raisin rouge ou blanc. Il a fallu que j'aille dans le jardin de mémé Didi, ma maman, pour trouver cette fleur sur la treille qui pousse depuis toujours le long du mur du fond de son jardin , bien orienté en plein sud.

Grappe de raisin de vigne en pleine fleur .
Mais dans la vigne, rien, on n'a pas vu une grappe en fleur. Les spécialistes de L'IFV (Institut Français de la Vigne et du Vin) diraient qu'elle en est encore au stade  phénologique H ou 17 ou encore 57 : Boutons floraux séparés. La floraison viendra espérons-le plus tard, quand il fera plus chaud, dans quelques jours.

Mais si, finalement nous avons trouvé quelques fleurs en cherchant bien. Et devinez-où ? Sur les ceps de Noah plantés au bout le plus au nord du 1er rang. Dans ce coin abrité par la haie et la maison qui jouxtent la vigne, les ceps y sont peut-être plus précoces qu'ailleurs.

Cep de Noah en pleine fleur dans le coin le plus abrité de la vigne.
 Mais quand même, elle est belle la vigne cette année. Il n'y a pas eu de gelées, la grêle est passée juste à côté. Les sarments sont en pleine pousse et ils sont bien chargés de fleurs en formation. Ils sont beaux, vigoureux, bien verts, indemnes de toute maladie cryptogamique. Il faut dire que j'ai retenu la leçon de l'année dernière. J'en suis au 3ème traitement. D'abord j'ai répandu 30 L de bouillie bordelaise au moment du débourrement, le 15 avril pour tuer les champignons qui se montrent dans les bourgeons qui s'ouvrent. J'ai recommencé le traitement le 7 juin avec 600 g de sulfate de cuivre auquel j'ai rajouté  1,250 kg de soufre mouillable. La pluie a tout emporté, alors j'ai remis ça le 16 juin. J'en ai mis moins cette fois : 540 g de bouillie bordelaise et 900 g de soufre (presque 2 pompes à traiter). J'ai surtout aspergé les nouvelles feuilles et les jeunes grappes en formation. Mais il a tellement plu qu'il faudra que je recommence avant l'arrivée de la prochaine perturbation. 

Cette grappe de Côt en est au stade phénologique H.
Les boutons floraux sont  détachés.
Les fleurs ne sont pas encore ouvertes.
Cette fleur de Pinot noir n'est pas plus avancée :
stade H ou 17 ou 57 disent les spécialistes de l'IFV.

Voilà où on en est aujourd'hui. On attend de comptabiliser 50 % de ceps au moins en fleur. Puis on comptera 100 jours pour fixer la date des vendanges. Pour cette année, ce sera en octobre, peut-être le 5, mais plus surement le 12, comme autrefois. Je me souviens on vendangeait toujours en octobre et même tard dans le mois parfois. On avait souvent froid et le temps était brumeux, mais c'était toujours une joyeuse fête quand même.
 
*Ragouiller : s'amuser à patauger dans une flaque d'eau.
On peut aussi ragouiller dans un seau en jouant avec l'eau qu'il contient.
Normalement, quand on ragouille ça éclabousse partout. et ça fiagousse.


** Fiagousser : c'est l'eau qui fait un bruit bien particulier quand vous marchez
dans une flaque ou dans un pré gorgé d'eau.
Quand l'eau est rentrée dans vos bottes et bien ça fiagousse aussi.
C'est le bruit rigolo produit par l'eau
qui monte et descend entre vos chevilles et la tige de botte.


***Mouron : Le mouron, c'est d'abord une petite herbe très envahissante dans les jardins.
On distingue le mouron blanc et le mouron rose.
Ce dernier est toxique, au moins pour les lapins.

Le mouron, c'est aussi un état psychologique proche de la dépression.
J'ai le mouron, j'ai le bourdon, ça se ressemble.
Alors "un p'tit coup d'blanc de La Haumuche" comme disait Maurice Fombeure,
ça vous remet les esprits en place...

mardi 4 juin 2013

L'échenillage* de la vigne de la Haumuche.



 Depuis plus d'un mois que la vigne a débourré, les sarments se sont développés un peu partout le long des ceps. Comme il n'y a plus de risques de gelées, il est temps de supprimer les jeunes pousses indésirables. Cet échenillage, en Français épamprage, est une opération qui s'effectue à la main. On caresse le tronc du cep en supprimant au passage bourgeons et jeunes branches, des gourmands, pour ne laisser que les sarments qui avaient été espérés lors de la taille. En général, ces gourmands ne sont pas porteurs de fleurs.  Ils vont pousser au détriment des sarments chargés de fruits et des bois pour l'année prochaine. Ils donnent un aspect disgracieux aux ceps. Trop près du sol, les feuilles de ces gourmands pourraient se retrouver aspergées de désherbant et provoquer la mort du cep. En plus cela facilitera grandement la taille de l'an prochain car il y aura bien moins de branches à couper. Il y a donc plein de bonnes raisons d'effectuer cette opération salutaire pour mes chers ceps. 

La vigne de la Haumuche est envahie par les boutons d'or.
J'en profite aussi pour arracher l'herbe qui ne manque pas de pousser au pied des ceps. Cette année, c'est une herbe vigoureuse ma foi, qui se nourrit de l'engrais que j'avais répandu après la taille. Je n'ose pas la couper à l'aide de la débroussailleuse, car j'ai peur d'érusser (de blesser la peau) l'écorce fragile du pied de vigne avec le fil nylon. Avec ce printemps exceptionnel, un des plus humides, froids et non ensoleillés que la météo a connus, la végétation ne se comporte pas comme d'habitude. La vigne pousse au ralenti, mais certaines herbes sauvages se sentent bien sous ce climat et ont profité de l'absence de Grand Mildiou pour envahir la vigne.

La vigne est envahie de boutons d'or. Il y a aussi peut-être quelques pieds de benoite des prés.
Je ne sais pas bien les distinguer. Le bouton d'or est plutôt toxique, tandis que la benoite, beaucoup plus petite, est pleine de vertus médicinales.

Tout en haut de la vigne, le premier rang est envahi par les boutons d'or.
En arrière-plan, derrière la haie, on distingue le tracteur de l'agriculteur voisin tirant un énorme pulvérisateur.
A l'odeur j'ai cru reconnaître que du désherbant était répandu dans l'immense champ jouxtant la vigne au Sud !
Les vacances de printemps de Grand Mildiou.
Et oui Grand Mildiou a délaissé sa vigne pendant presqu'un mois. Pendant ses "congés", il s'est d'abord transformé en monteur de cuisine IKEA à Issy Les Moulineaux (Il aurait fallu voir le Grand Scenic, fort grand heureusement, bourré dedans comme dessus avec 83 colis, plus de 600 kg de placards en kit, tiroirs, cartons...). Ensuite, il s'est offert les championnats de France de golf du CNRS à Aurillac (sans neige) et là-bas, l'organisateur a promulgué un classement fait exprès pour empêcher le duo Penot - Roland de gagner (un classement en brut, comme c'est la coutume, leur aurait donné une large victoire, mais en net avec un handicap bien plus bas que toutes les autres équipes, ils n'ont terminé que 3ème.).  Grand Mildiou a fini son périple en tant que charpentier couvreur à Lille et il a fait beau à Lille. Maintenant quand il pleut, l'eau qui tombe sur le toit de l’appentis ne s'écoule plus sur les vélos d'Aline, mais dans le réservoir de 250 L qui a été installé contre la dalle. Grand Mildiou et sa compagne La Suette y ont fait aussi la connaissance du dernier né de la famille, Camille, un bébé magnifique qui prend le sein de sa mère avec beaucoup de grâce. 

Désherbage à genoux.
Bref, au retour, la pauvre vigne était dans un piteux état.Toute la semaine, à raison de 3 heures au moins par jour, c'est à genoux (pour ne pas fatiguer le dos) que chaque cep a été débarrassé des mauvaises herbes qui l'étouffaient, des gourmands  mal placés, des nids de fourmis qui se  bâtissaient le long du tronc. Quelques cailloux ont été replacés aussi au pied de certains troncs. Même en se dépêchant un peu, il fallait bien une bonne minute parfois pour bichonner un cep. Et comme il y en a 1036, c'est en gros 18 heures qui ont été nécessaires pour que la vigne retrouve un aspect civilisé.
Un cep avant échenillage.
Le même cep, après échenillage.














J'en ai profité aussi pour examiner les jeunes ceps encore protégés par le tube de plastique jaune ou le grillage bleu. Dans les tubes, j'ai vu quelques cochenilles (cette fois elles sont vraies)  accrochées à l'abri sur le tronc encore tendre. Les grillages eux sont difficiles à désherber. Le liseron par exemple s'entrelace dans les mailles et casse. Je ne peux pas l'étaler comme il faut par terre, pour le traiter ensuite au désherbant spécial liseron.C'est le moyen le plus efficace que j'ai trouvé pour me débarrasser de cette plante envahissante. Imaginez un peu vendanger du Noah envahi par le liseron ! Avant ce désherbage manuel, j'ai quand même passé le fil en bordure des rangs et entre les ceps pour me donner un peu moins de travail ensuite car moins de longues herbes à arracher se présentaient à mes mains munies d'une truelle et d'un vieux sécateur-échenilleur.

Le sécateur-échenilleur.
Ah ! c'est un outil un peu spécial, un sécateur qui possède une minuscule hachette au dos d'une de ses mâchoires et qui lui donne une allure de cacatoès. Je l'ai trouvé tout rouillé tout grippé dans le fond du chai. Je l'ai rénové. Une électrolyse à la lessive Saint Marc, c'est formidable pour enlever la rouille sans détériorer l'objet. Bien aiguisé et affuté, il fonctionne parfaitement. La hachette me permet de sectionner des gourmands au niveau du sol, et le sécateur de  couper un bois mort ou de rattraper un oubli lors de la taille. Je ne sais pas si cet outil était fait pour ça au départ mais sa nouvelle fonction lui convient très bien.
Le sécateur - échenilleur, trouvé au fond du chai.
Le second outil que j'utilise est une simple truelle langue de chat. Il y a 3 ou 4 ans j'ai imaginé un outil spécial : une truelle de maçon triangulaire dont j'ai scié la pointe de façon à en former une double. J'avais aussi rajouté un tenon de bois en travers du manche pour bloquer la main quand j'enfonçais l'outil dans la terre. Les racines prises entre les 2 pointes s'arrachaient alors facilement en faisant levier. je n'ai pas réussi à remettre la main sur ma truelle à double pointe, dommage, j'aurais gagné un peu de temps.

Le résultat des courses.

 Après tous ces efforts, je suis assez content du résultat. La vigne a retrouvé un aspect tout à fait présentable. J'en suis même un peu fier et soulagé d'avoir su préserver ce patrimoine inestimable. C'est vrai qu'elle est bien belle la vigne en cette fin de printemps. Les jeunes pousses sont bien vertes, brillantes. Elles luisent au soleil donnant l'illusion d'une bande végétale suspendue au-dessus de ces jolis ceps bruns, avec de nombreuses fleurs en formation qui pointent au sommet des sarments encore courts. On peut, à ce moment, rêver d'une grande récolte de qualité. L'ensemble est aéré, bien équilibré, les travaux à venir seront bien plus faciles. Les traitements contre les maladies seront à faire avant les prochaines pluies, ça va aller vite avec une vigne dans cet état. Je vais aussi pouvoir retarder au maximum le traitement chimique des herbes sauvages et ainsi avoir des rangs propres jusqu'aux vendanges sans trop user de polluants.

L'échenillage est terminé et le passage de la tondeuse a fait disparaître toute trace d'herbes arrachées.
* échenillage  : c'est le terme que j'ai toujours entendu prononcer
par mon père et mon grand-père pour désigner
l'opération qui consiste à supprimer, au printemps,
les jeunes pousses. Muni de
gants solides,
on enlève les bourgeons et les jeunes branches en passant sa main
autour du  tronc, en remontant jusqu'aux onglets.