vendredi 26 avril 2013

la chimie de la Vigne de la Haumuche.

Débourrage.
Ça y est, la vigne débourre. C'est parti, les bourgeons gonflent à vue d’œil et les premières ébauches de feuilles apparaissent. "Ce n'est pas le cas du vigneron, lui il ne débourre jamais" comme dirait Mémé La Suette.
Mémé La  Suette, c'est la compagne du Grand Mildiou. Elle sait faire de bon petits plats et surtout c'est elle qui mijote les repas des vendanges. Elle est Charentaise, alors elle ne supporte pas qu'on appelle Pineau, le vermouth que l'on fabrique à partir de notre eau de vie qui sent l'alcool à brûler. Et aussi il faut prononcer la sueeette en appuyant bien sur le ette, c'est l'accent charentais...
Au 22 avril 2012, on voyait nettement les pampres qui faisaient bien 5 à 8 cm de hauteur. Cette année, la vigne a pris au moins 15 jours de retard sur l'année dernière. 

Comme un papillon sortant de sa chrysalide, le bourgeon s'ouvre
et laisse pousser la feuille.
Ce bourgeon veut-il nous dire quelque chose ? Un drôle de personnage !
Ces nouvelles pousses naissantes sont d'une fragilité extrême. Il ne faut surtout pas les toucher, elles tombent de peur. Le moindre effleurement, la moindre vibration les détachent du bois. C'est pourquoi tout doit être prêt au moment du débourrage. Il n'est plus question d'attacher les bois par exemple. Il n'est  plus question non plus de tendre les fils de fer ou de poser à terre les boucles de maintien. Plus aucune manipulation n'est autorisée. Alors ce n'est pas le moment que le sanglier vienne chasser le lombric dans les rangs de la vigne ou que le chien égaré vienne flairer le faisan. Ils pourraient faire de gros dégâts. 
Il ne reste qu'à regarder pousser les sarments en espérant que la météo sera favorable. En effet, le plus gros risque maintenant ce sont les gelées qui tueraient irrémédiablement ces jeunes pousses fragiles. A la moindre gelée blanche, c'en serait fini de ces bourgeons. Il ne resterait plus dans ce cas qu'à attendre le réveil du bourillon pour essayer de sauver une maigre récolte. Les Saints de glace* ne sont pas encore passés.
Cette jeune bouture de pinot noir faite en 2012 et protégée par le tube
en plastique paraît un peu en avance sur les autres.
Ce vieux cep, bien chargé ! semble indécis, il prend son temps
pour débourrer. Les bourgeons sont juste gonflés.
Quelques cépages ont un peu d'avance, d'autres un peu de retard. Mais globalement la précocité des uns ou la méfiance des autres ont été atténuées par le climat que nous avons connu en ce début de printemps 2013. Cette année, le froid s'est prolongé tard dans le printemps, la pluie et même la neige ont fortement perturbé le début de saison et la chaleur est venue d'un seul coup et de façon violente même. On imagine assez la montée de pression osmotique induite par cette élévation brutale de température. Les vannes ont lâché, la sève s'est précipitée dans les bourgeons avec violence forçant le débourrage. C'est comme si la nature, en quelques jours, voulait rattraper son retard. 
Il va falloir maintenant contrôler la croissance des végétaux, les protéger des maladies, maîtriser l'environnement des ceps, à savoir les herbes folles qui concurrencent la vigne dans ce terrain pauvre. La chimie m'aide beaucoup dans cette mission.

La chimie appliquée à la vigne.
Engrais, traitements des maladies et désherbage sont les 3 interventions dans la Vigne de la Haumuche qui relèvent de la chimie de la vigne. Sur le fond, je suis bien conscient que ces apports chimiques et artificiels devraient être réduits au minimum et même nuls, mais je n'ai pas trouvé de solution satisfaisante autre que celles que j'évoque maintenant.

L'apport d'engrais.
En début de saison, j'effectue depuis 6 ans maintenant un apport d'engrais chimique spécialement dosé pour la vigne. Cet engrais est acheté à la coopérative agricole locale. Cette année, j'ai fait un apport d'environ 22 kg d'engrais sur le millier de ceps en saupoudrant au pied de chacun d'eux une petite poignée de granulés bleus, soit environ 22 g par cep. Certaines années, en 2010, 2011 surtout, on pouvait voir les granulés 2 mois après la distribution du produit. L'année dernière, un rond vert d'herbe plus poussée qu'ailleurs a matérialisé autour de chaque cep la pénétration des minéraux dans le sol. J'ai été beaucoup gêné pour faire disparaître ces herbes par la suite. Cette année, les fortes pluies ont fait disparaître l'engrais répandu le 4 avril  en quelques jours et je n'ai encore rien remarqué au niveau d'une pousse plus abondante des herbes autour des ceps. L'engrais aurait-il été entraîné directement dans le sol plus profond ? L'an prochain, je pense que je réduirai encore l'apport d'engrais si les ceps se portent  aussi bien que maintenant.

Le traitement à la bouillie bordelaise.
A titre préventif, je pense d'ailleurs que la bouillie bordelaise n'est pas curative, j'ai aspergé chaque cep avec ledit produit, le 15 avril, juste avant que la vigne ne débourre. Je dose la bouille à 300 g de sulfate de cuivre pour une pompe de 16 L. IL m'a fallu 2 pompes environ pour traiter toute la vigne. Chaque cep et son environnement proche ont donc reçu une dose de l'ordre de 600 mg de ce produit toléré en agriculture biologique. Je vais renouveler cette opération régulièrement par la suite. Il faudrait le faire tous les 15 jours environ à partir de la floraison !
La petite installation pour le traitement : j'apporte l'eau dans des bidons de 30 L, j'ai aussi une réserve avec un bidon de 100 L. Je dilue le produit dans un seau. La pompe pleine est posée sur un vieux tréteau qui servait à égoutter le linge autrefois, juste à bonne hauteur pour enfiler les bretelles sans me faire mal au dos.
Plus tard, si la saison est humide, je rajouterai du soufre mouillable dans la pompe, pour traiter contre la suette, l'oïdium en fait. Je l'ai fait trop tard l'année dernière,  ce qui a complètement détruit la récolte 2012. J'ai même commencé l'année dernière à rajouter aussi du purin d'ortie lors d'un traitement, à raison d'un litre de purin, que je fais moi-même, par pompe. Je n'ai pas pu vraiment en mesurer le résultat, mais bon, c'est naturel et ça sent bon !!
Lors d'un prochain traitement à la bouillie bordelaise, je reviendrai à l'occasion sur les souvenirs que ce liquide bleu ont ravivés dans ma mémoire : la façon dont je préparais la sauce quand j'étais encore enfant sous la surveillance de mon grand-père, le quart du soldat de la guerre de 14-18 etc.

les désherbages.
Le désherbage chimique ne se pratiquait pas autrefois. Mon père a commencé avec beaucoup de réticences à introduire du désherbant lorsqu'il n'avait plus la possibilité de désherber physiquement la vigne en retournant la terre (la mule de Gilles était morte.). Là aussi que de souvenirs me restent, des souvenirs d'ampoules et de courbatures par exemple. J'évoquerai ça aussi quand l'occasion se présentera. Quelle méthode est-ce que je pratique pour faire en sorte que la vigne ne soit pas envahie par de grandes herbes folles qui étoufferaient les raisins les empêchant de mûrir et fatigueraient les ceps en les privant de nourriture ? Comme je n'ai aucun moyen mécanique adapté pour labourer, sarcler, "motobiner" le sol, je traite au désherbant chimique.
Alors, tout commence à la fin de l'hiver. Les hivers précédents je pulvérisais un désherbant spécial vigne qui tuait les graminées vivantes et empêchait beaucoup de graines de germer. Puis, en mai et éventuellement en juillet, je pulvérisais du glyphosate sous les ceps sur une largeur de l'ordre de 80 cm, soit 40 cm de chaque côté des ceps. Au centre du rang, sur la bande végétale restante, je pulvérisais du désherbant pour gazon pour détruire le trèfle et autres pissenlits et ne garder qu'une  bande herbeuse donc, que j'ai tondue quatre ou cinq fois dans l'année.
Cette année, comme les graminées ont pratiquement disparu sous les ceps, je n'ai pas traité au désherbant spécial vigne.Je m'en mordrai peut-être les doigts, mais en attendant ça fait un apport de polluants en moins. J'ai seulement passé mon désherbant pour gazon en m'approchant un peu des ceps pour détruire les herbes qui profitent de cette zone sans végétation pour s'installer rapidement (mouron, chardon, pissenlits, trèfle, etc.). J'en ai répandu 30 L avec mon pulvérisateur, c'est bien assez. J'interviendrai au glyphosate le plus tard possible, sans doute après l'échenillage pour ne pas risquer d'atteindre le feuillage des ceps.
J'ai attendu une bonne semaine que le désherbant agisse et hier 25 avril 2013, j'ai procédé à la première tonte de l'année avec ma petite tondeuse auto-portée. Tout s'est bien passé, l'herbe n'était pas trop haute à l'exception des abords de la cabane du vigneron (en fait notre caravane de camping que j'ai parquée là il y à 3 ou 4 ans maintenant). Je m'y abrite en cas de forte pluie, y stocke quelques bouteilles d'eau, le minimum, de peur que tout ne soit dérobé, mais curieusement, la cabane n'a pas encore été visitée (ce n'est pas comme le chai, mais c'est une autre histoire...) La caravane devait aussi servir de lieu de sieste pour les petits lors des vendanges, mais il n'y a pas eu encore moyen, c'est trop rigolo de jouer à l'intérieur et de sauter sur le lit !

Conclusion

 Bon voilà, retenons que la vigne a débourré juste au moment de la naissance de notre petit Camille. Un Lillois qui se porte très bien comme sa maman Anna (notre experte biologiste et nièce de Grand Mildiou qui gagne un nouveau grade par la même occasion). Il faudra rajouter un couvert aux prochaines vendanges...

* Saints de Glace : les 11, 12, 13 mai sont les,
jours où l'on fête respectivement Saint Mamert, saint Pancrace et Saint Servais.
Un épisode climatique se produit souvent, associé à un refroidissement
et des gelées nocturnes qui détruisent beaucoup de jeunes végétaux.
Cet épisode pourrait correspondre à une des dernières oscillations
de l’anticyclone de Sibérie (?) qui apportent de façon quasi périodique
de l'air froid polaire sur nos régions.
A cette période, l'air peut parfois ne pas être suffisamment réchauffé pour éviter ces gelées.
Durant l'hiver on obtient une période de grand froid. Plus tard dans la saison on observe juste des journées un peu fraîches.

Pour être plus sûr, mon grand-père préconisait d'attendre la Foire de Sèvres-Anxaumont (la fameuse foire aux anguillettes) pour faire ses plantations de plantes gélives dans le jardin.
Cette foire se tient au début de mai.
Donc tant que ladite foire n'a pas eu lieu, on peut s'inquiéter pour la vigne !

1 commentaire:

  1. J'ai encore appris plein de choses, entre autres que le purin d'orties pouvait sentir bon...
    A quand l'échenillage ?

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