lundi 25 mars 2013

L'attachage de la Vigne de la Haumuche

C'est quoi attacher la vigne ?
"Grand Mildiou ! à moi ! c'est à moi ! c'est mon tour ! Viens me nettoyer, me cajoler, me caresser, m'aligner dans le rang !"
Ce sont tous ces jolis ceps bien taillés qui me font signe, les bois en l'air. Comme de bons élèves dans la classe, j'ai l'impression qu'ils lèvent le bras pour attirer mon attention. "Mais oui, votre tour viendra bientôt. Soyez patients, je n'ai que 2 mains. Cette année, mes assistants ont tous décliné l'invitation. Il fait trop froid, trop humide, trop je ne sais quoi, je me retrouve bien seul avec vous tous à m'occuper."
Mais pourquoi toute cette agitation parmi tous les hybrides avec des noms à numéro qui vous font gagner au tiercé (18 3 15, 6 4 09, encore une petite histoire à raconter...) ? Même les Nobles au nom prestigieux ne se sentent plus : les Côt, les Pinot Noir et même les Gamay si discrets normalement ont les bois levés. Et les jeunes Cabernet, les Sauvignon et les Franc, qui ont été plantés il y a 5 ans maintenant pour les premiers et quatre pour les seconds, arborent un joli bois, vigoureux et plein d'yeux prêts à débourrer.  C'est vrai que j'en ai laissé beaucoup de bois cette année, mais les ceps ont tellement bien profité l'an dernier, ils n'avaient pas de raisins alors ils ont fait de beaux gros sarments après le passage de la maladie. Il faut maintenant s'en occuper.

"A moi, à moi, viens m'attacher les bois."

"Et voilà mes petits ceps vous voici bien attachés comme des bonzaïs"













La taille Guyot se pratique, comme vous le savez (si vous êtes fidèles à ce blog !), en laissant un onglet et un bois. Juste après le passage du vigneron, le bois épargné par le sécateur, porteur de 5 à 8 yeux, se dresse plus ou moins verticalement. Afin que les pampres (jeunes sarments de l'année) à venir se palissent aisément et pour leur donner de l'air, je vais coucher les bois et les fixer à l'horizontale le long d'un fil de fer tiré dans chaque rang, à environ 40 cm du sol. Quelquefois pour les ceps un peu trop hauts ou les bois difficiles à rabattre, je les attache en formant une arcure, un arc de cercle, en repliant le bois jusqu'à ce que son extrémité seulement soit en contact avec le fil de fer et soit attachée (ça c'est plutôt nouveau et j'en connais qui diraient "ah ! ben d'accord, c'était bien la peine de se prendre la tête pour les plier comme il faut, sans les casser, tes bois .").

Le petit tortillon
Concrètement, comme lien, j'utilise des petits bouts de fils de fer, spécialement achetés pour ça. Ils font 10 cm de longueur environ et quelques dixièmes de millimètre de diamètre. Une technique bien rigolote et rapide est mise en œuvre. L'attachage de chaque bois ne doit pas prendre beaucoup de temps, car il y en a beaucoup à attacher. Pensez-donc ! sur 1000 ceps, les 2 tiers ont un bois et certains en ont même 2. Bref, il faut répéter l'opération un grand nombre de fois. Un procédé efficace et prompt est donc indispensable si on ne veut pas y passer sa vie. Alors voici dans cette vidéo jointe la méthode que mon grand-père m'a enseignée il y a bien longtemps.


L'attachage de la vigne et le petit tortillon.

Ça va très vite finalement. Il faut quand même faire attention. Certains cépages donnent des bois durs et cassants, comme le Plantet par exemple et le Pinot noir aussi un peu. Le pire c'est le Noah je crois. Alors il faut y aller tout doucement en les incurvant progressivement. D'autres sont un peu mous, comme le Gamay, le bois se plie et s'enroule bien autour du fil de fer porteur. Seulement une dizaine de bois ont été cassés lors de la manœuvre. Alors je retaille l'onglet, ce n'est rien du tout, pas bien grave, j'aurai juste une petite surprise l'an prochain. L'opération a été effectuée en 10 heures environ cette année. J'avais laissé beaucoup de bois, une belle taille à jus !
Dans le même temps, j'en ai profité aussi pour vérifier tous les cavaliers de maintien du fil de fer porteur sur les piquets de vigne, exclusivement faits d'acacia, un bois imputrescible. (J'ai une anecdote sur l'acacia qu'il faudra que je publie aussi.) J'ai aussi renforcé et redressé quelques piquets et remis quelques crochets (des pointes tordues à angle droit) pour retenir les 2 boucles en fil de fer de maintien des sarments dans le rang. Il faut dire que, bien que très vieux pour certains, les piquets de vigne sont globalement en bon état. Le bois d'acacia est vraiment dur et enfoncer une pointe dans un piquet sans avoir d'appui (inertiel) important relève souvent de l'exploit. La pointe se tord avant même d'avoir atteint le cœur du bois. Mon père avait bien travaillé pour réaliser les structures de soutien de sa vigne. Je me souviens, on avait enfoncé ensemble, avec un outil spécial, une sorte de tarière, des ancrages d'extrémité des fils de fer. Ceux-ci sont  réalisés à partir d'une tige métallique de 80 cm de longueur, avec une coupelle d'acier vrillée montée à leur extrémité que l'on vissait dans le sol. Mon père se procurait ces accessoires quand il allait faire le plein de pantoufles en Vendée. Il avait repéré un fournisseur de vignerons dans le  Muscadet, dans un village proche de Nantes je crois. Il adorait s'arrêter là-bas et rapportait des gadgets (les ancrages, des filets à oiseaux et plein de petites choses utiles au vigneron...). Il avait aussi remplacé de nombreux piquets (on les reconnait bien au chanfrein qu'il faisait à la tronçonneuse à leur extrémité.). Il avait innové en installant, dans chaque rang, une boucle de fil de fer de relevage de la vigne. Au bout du rang il avait accroché les fils de fer à des coulisses, sortes de demi-cercle en rond de métal ressemblant fort à des anses de seau. Lorsqu'on veut remonter les fils de fer à mesure que pousse la vigne, on fait glisser les coulisses sur le dernier piquet du rang et on fait passer le fil de fer dans les crochets placés à bonne hauteur sur chaque piquet. C'est très pratique et rapide, bien plus rapide que l'ancien système qu'on utilisait quand j'étais jeune. On attachait les pampres avec des brins de raphia. Le brin fragile cassait tout le temps et la gerbe de sarments, serrée entre les bras qui s'ouvraient, retombait en s'éclatant Il fallait tout recommencer. J'ai rajouté une deuxième boucle de relevage l'été dernier. Je viens de la terminer cet hiver en plaçant des coulisses aux extrémités car j'avais juste, par fainéantise, entouré l'extrémité des fils aux derniers piquets. Ça fait plus joli et comme il y a des jeunes et vieux ceps, les sarments ne sont pas tous de la même taille, il faudra garder toute la saison la boucle la plus basse en place, à 70 cm du sol. La deuxième boucle viendra, dans l'été, contenir les sarments en la relevant à environ 1 m du sol.

La vigne pleure
Voilà, tous les travaux préliminaires sont achevés. La vigne est parée pour une nouvelle saison. Je prends le temps de faire une dernière inspection, un tour dans les rangs, les mains et le sécateur dans les poches. Juste un petit coup de pied dans un silex qui a roulé au milieu du rang pour le remettre près d'un cep, afin de préserver, plus tard, la tondeuse, me sort de ma marche régulière à pas lents et feutrés pour ne pas déranger la nature qui somnole encore.
La vigne est parée offrant une belle perspective.
Le printemps peut maintenant arriver.
Je perçois de ci de là des petites gouttes liquides sur les ceps.  Enfin la vigne pleure. Les extrémités des bois taillés récemment laissent perler une goutte de sève. Un chapelet de petits diamants couleur soleil couchant s'égrainent dans les rangs, ils brillent de mille feux, c'est beau. Pleurent-ils de joie ou de tristesse ces jolis ceps ?

La poussée de sève qui apparaît au printemps serait donc
due à une pression plus élevée  dans le système racinaire 
que dans l'air à la pression atmosphérique.
Lorsqu'on coupe un sarment, le bouchon
 qui empêchait la sève de s'écouler est temporairement rompu. 
Le liquide sort jusqu'à ce que la pression s'équilibre
 ou que les pores se bouchent. J'attribuerais ce phénomène
 à un phénomène de pression osmotique, les sels ou sucres d'ailleurs,
emmagasinés dans les racines avant l'hiver,
aspirent l'eau du sol, faisant monter la pression interne dans le végétal.
Ceci ne se produit qu'au printemps car
 d'autres phénomènes doivent entrer en action. 
L'écoulement est bloqué en hiver, les bourgeons sont contractés, 
le fluide est trop visqueux, des composés chimiques ont besoin de froid pour se révéler...
 Les variations de température modifient les propriétés
 thermophysiques de la sève (viscosité par exemple), 
mais aussi des capteurs internes au végétal peuvent 
sans doute agir sur le débit de la sève
 en ouvrant ou fermant les pores à volonté. 
Plus tard, la pression capillaire deviendra dominante 
avec l'apparition du feuillage et l'évapotranspiration. La circulation de sève sera plus intense.
Tout ça mérite d'être approfondi. 
On peut aussi penser qu'une taille tardive (en mars donc)
 s'effectuant avec un mouvement de sève non nul,
 favorise l'apport d'éléments réparateurs
 dans les plaies de taille et accélère la cicatrisation. 

1 commentaire:

  1. Mouais, y'a d'la triche dans l'air !
    L'an prochain, je réclame une vidéo d'attachage de Noah et une d'attachage impossible, genre bois court ou incourbable...

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